SANDY BERTHOMIEU
Iris and Bruno
Paroles
2015
Installé depuis un an et demi en Lozère, le duo Iris and Bruno propose un univers musical atypique. Leur matière première de création est le son. Ils questionnent les correspondances ou plutôt les distorsions possibles entre la voix et le synthétiseur analogique, pour créer des textures sonores et des ambiances subjectives parfois proche de l’abstraction. Retour sur leur performance musicale proposée le samedi 28 mars à la maison consulaire, Mende, à la tombée de la nuit…
A l’étage, les volets sont fermés et le parquet en bois craque sous les pas des curieux. Petit à petit le public s’installe confortablement sur les chaises ou s’allonge sur les coussins posés au sol. Dans cette ambiance intimiste, chaleureuse et rassurante, le duo présente en quelques mots leurs créations…
En guise d’introduction, Iris lit avec enthousiasme des textes écrits par le poète Christophe Tarkos. Défenseur de la langue française, les phrases sont extraites d’un recueil posthume publié en 2008 chez P.O.L. De vers en vers, le mot matière résonne plusieurs fois dans nos oreilles. Dans un même temps, Bruno distille un fond sonore délicat avec des gestes calmes et précis, presque chorégraphiques au dessus de son instrument de musique. Substance impalpable et pourtant tangible par notre corps, le son rebondit sur les murs et englobe la pièce entière. Il ne s’agit pas d’une chanson, les mots et la musique ressemble davantage à une performance où l’écoute devient la troisième interprète. Dans la pénombre, le public commence déjà à se laisser porter par les sonorités. Une entrée en matière captivante …
Une journée orageuse est à l’origine de « Paroles ». La pluie tombant sur le toit, les grosses gouttes jaillissant sur les vitres, l’eau dévalant les gouttières métalliques sont autant de subtilités qui ponctuent cette création musicale. Entre averses et accalmies, les rythmes sont variables, parfois la voix s’affirme pour devenir chantée, alors que les notes du synthétiseur sont plus discrètes ou au contraires marquées. Le flux sonore s’écoule à travers les minutes. Tel un coup de vent cyclique, une à une, les pages lues par la performeuse glisse de ses mains. C’est dans une symbiose finement orchestrée que le duo communique à travers les sons reproduis au bout d’un labyrinthe de fils conduisant aux enceintes. L’installation minimaliste de la scène met en avant le matériel. D’ailleurs, la technique est pleinement mise à contribution, le groupe joue des relations possibles entre la machine et l’homme. Au-delà des évocations du bruit de l’eau, c’est une réflexion sur la capacité de l’être humain à utiliser des mots dont il est question : « Qu’est qu’un homme sans la parole ? ». La voix questionne la parole et le son interroge la voix. Une voix venue d’un autre espace, mais émanant des mêmes cordes vocales, émet des sons robotisés, artificiels. Les onomatopées remplacent le sens des sons. Cette transformation du langage humain corrobore avec davantage d’intensité avec les manipulations du synthétiseur. Iris and Bruno, nous convie à partager un moment de poésie et de chimère. Au fur et à mesure de cette expérience, le travail sonore devient hypnotique, comme le spectacle des gouttes d’eau qui glissent inlassablement sur une fenêtre, un jour de pluie…
Site de l'artiste : https://irisandbruno.com/