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Rencontre avec Philippe Jacq

Mostra de Mende

2015

L’atelier est révélateur de l’artiste. Pour sa nouvelle série de création, Philippe Jacq collectionne, assemble et construit de nouvelles images à partir de tapis, textiles et canevas. Un amas coloré de tissus remplit une pièce entière, en face de celle-ci ses toiles sont conservées les unes à côtés des autres. Au centre, un espace avec une petite table, un socle et un poste radio, permet à l’artiste de laisser libre cours à son imaginaire. Quelque soit l’endroit visité de son atelier, Philippe Jacq explique ses œuvres avec un fond musical omniprésent.

Depuis combien de temps travailles-tu la matière textile ?

Je me suis entièrement plongé dans ce travail pendant trois années. Je considère mon atelier comme un espace de recherches perpétuelles, une sorte de laboratoire. Il m’a permis de faire une parenthèse me permettant de me concentrer sur cette création qui nécessite beaucoup de temps et d’engagement, jusqu’à en avoir mal aux doigts. Dans cette tâche méticuleuse de couture, j’ai poursuivi le fil !

 

Quel est le point de départ de cette recherche plastique ?

J’ai tendance à collecter de nombreux objets, j’ai par exemple une collection de vinyles ! Cette démarche de collectionner est en lien avec la mémoire. Un jour, alors que j’arpentais la brocante de la Paillade (à Montpellier), j’ai vu un tapis représentant la Mecque et ses hauts minarets, avec des couleurs vives et kitsch. J’en ai acheté plusieurs avec l’idée de solliciter ce motif. C’est le point de départ de mes recherches.

 

Tu travailles uniquement à partir de tapis ?

Non, tous les textiles que je collecte sont de la récupération dans les vides-greniers, les brocantes et même dans les poubelles. Il y a des tapis de prières aux motifs orientaux mais aussi des tapisseries françaises classiques, comme celles des ateliers d’Aubusson, avec de nombreuses scènes de chasses. J’ai également récupéré des canevas populaires représentant des bouquets de fleurs ou des animaux. Dans mes derniers travaux, j’ai ajouté le motif de super-héros ou de symboles rock, issus de t-shirts.

 

Les toiles sont de grands formats…

Oui, elles font toutes plus d’un mètre ! La taille s’impose d’elle-même, en fonction des tapis et de leurs échelles. Mais, je voudrais avoir des formats encore plus imposants.

 

A travers ces formats, on peut voir les détails et percevoir tes manipulations…

Au début, il y avait principalement de la couture pour les assemblages des tissus, puis j’ai utilisé la technique du collage. Par contre, les lettres sont brodées, ces mots deviennent souvent le titre des œuvres. J’ai expérimenté la matière, par différents grattages notamment avec un rasoir. Les textures sur une même pièce sont très différentes, la lumière accroche plus ou moins et le touché est variable. Je peins aussi sur les tissus, pour modifier les couleurs, joindre un élément, d’ailleurs j’ajoute souvent des flammes…

 

Comment définis-tu tes œuvres ?

Il est difficile de définir mes toiles-objets, car pour moi ce n’est ni de la figuration, ni de l’abstraction. Je préfère parler d’un travail pictural, plutôt que de tapisserie. Je n’ai pas de métier-à-tisser, je travaille l’image et leurs surfaces, par assemblage, découpage, collage, etc.

 

Comment composes-tu le sujet de tes toiles ?

Je travaille par association d’idées pour créer une image. Je croise les références, les inspirations et les univers. Cette démarche se rapproche d’une série précédente où je travaillais la céramique, sous forme de masques hybrides. La construction d’une œuvre associe diverses cultures.

Tes toiles évoquent un cabinet de curiosité…

Effectivement, c’est très présent et cela rejoint l’idée de collection évoquée plus tôt. Avec la toile titrée « Le chasseur », je bouscule l’histoire de l’art et les institutions culturelles. Beuys et Rambo deviennent des cerfs, la chienne de garde s’appelle Niki (de Saint Phalle), la course effrénée du succès se termine dans l’eau du lac Pompidou alors que le Guggenheim et Saatchi prennent feu… Dans une autre pièce, la toile intitulée « La dérive des continents » superpose plusieurs scènes de harem différentes pour en réaliser une seule. Dans un coin, on aperçoit une femme pop d’un temps plus moderne. Par-dessus, j’ai ajouté un cerf, issu d’une scène de chasse. Sur l’un des minarets se loge un moulin à vent, issu d’un paysage d’un autre siècle. Aujourd’hui, certaines images nous paraissent kitsch, mais elles étaient très populaires avant. Le croisement des cultures orientales et occidentales tisse les regards, ce qui est kitsch pour l’un, ne l’est pas forcément pour l’autre. Tout est question de point de vue.

Justement, pourquoi ce croisement des cultures est central dans ta démarche ?

Je suis né à Oran, en Algérie. J’ai suivi mes études d’art en France, j’ai réalisé plusieurs voyages et je vis désormais à Montpellier. Dans mon travail, j’interroge forcément cette double culture ! Mes propositions ont été réalisées avant les attentats de janvier dernier à Charlie Hebdo et à l’hypercacher. Je ne vois pas pourquoi je devrais m’arrêter de produire et de m’exprimer sur ce sujet...

Site de l'artiste : Philippe Jacq

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