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Méta(mor)phoses

Soraya Hocine, Les Editions de l'épair

2018

Note d'intention

     L’histoire de la photographie se découvre dans les albums de famille. Cet objet que l’on conserve précieusement et que l’on transmet comme un trésor aux générations suivantes est au coeur de ce travail plastique.


Au printemps 2016, plusieurs familles lozériennes entre Mende et la vallée du Valdonnez ont ouvert les pages de leur histoire à Soraya Hocine (suite à un appel diffusé dans la presse locale). Les portraits en pose longue, les scènes du quotidien, les cérémonies importantes témoignent de la vie des habitants. Un territoire où la nature est sauvage, où les saisons sont marquées. Avec subtilité, l’artiste appose des insectes et des papillons aux couleurs multiples sur ces photographies anciennes patinées par les manipulations et les regards. Par ce geste, ces images personnelles font écho à chacun. Le temps passé et présent d’une ville et d’une histoire se content à travers le regard de l’artiste qui déplace les images recueillies du souvenir vers un autre imaginaire.


La mémoire des images anciennes s’efface pour laisser place à un regard contemporain. Le passé parfois pesant est estompé pour laisser paraître un présent poétique et fictionnel.

Dans le processus de création, l’artiste extrait la photographie de l’album de famille, elle dépoussière l’image, la prend entre ses mains, se l’approprie et positionne la fragilité des ailes d’un papillon ou la noblesse d’un scarabée noir devenant le masque d’une époque d’antan. L’intention originelle de l’image réapparaît avec ces insectes inanimés ayant une apparence vivante. À la manière de la taxidermie où l’animal obtient une seconde vie exposé dans une collection, ces nouvelles images s’apparentent à un cabinet de curiosité. La photographie révèle en filigrane une image dans laquelle les souvenirs s’effacent pour que d’autres s’inscrivent.


Le lien entre les photographies et les insectes (scarabée, abeille, cigale, papillon, etc.) est organique, il nous rappelle la nature de la Lozère qui prend possession de l’image en recouvrant un détail, un visage, un lieu. La vulnérabilité d’un papillon renforce l’impact d’une image en mettant en avant ce qu’il cache. Le symbole du battement d’ailes ou la vivacité d’un insecte (re)vitalisent les images. Le paradoxe temporel entre la durée de vie éphémère d’un papillon rencontre les images argentiques d'il y a cent ans.

Par ailleurs, c’est un voyage bordé de fiction…

L’humain change de visage, se transforme, se métamorphose avec ces insectes affirmant un trait de caractère, soulignant une attitude. Dans les albums de famille, il n’y a pas de héros seulement des personnages d’une lignée, ces figures parfois anonymes font corps avec l’insecte qui les dissimule autant qu’il les montre. Cette hybridation de réalité et d’imaginaire fait référence à un univers cauchemardesque et troublant évoquant les peurs enfantines. Dans cette atmosphère d’inquiétante étrangeté (Sigmund Freud, 1919) l’onirisme prône sur le récit familial singulier.
L’ancrage dans le territoire de ces familles parfois (et souvent) sur plusieurs générations montre une continuité, un attachement au lieu et au paysage qui décrit leur histoire. La recherche d’un espace singulier dans la nature pour les papillons rejoint le choix d’un endroit particulier, comme une évidence sur lequel il se pose dans le cadre de la photographie.


Finalement, l’image se déplie jusqu’à retrouver les pages d’un livre, à nouveau rassembler, dans un récit tel l’objet poétique similaire à un herbier. Cette interprétation de l’imagerie familiale entre authenticité et fantastique rencontre la mémoire de tous.


Les albums des familles racontent une nouvelle histoire hybride reliant les temps.

Informations

Livre "Meta(mor)phoses" de Soraya Hocine

Préface de Christine Ulivucci, Design d'Agnès Dahan Studio

En vente : leseditionsdelepair@gmail.com

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