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Rencontre avec Anne Houel

Mostra de Mende

2016

     À travers le souvenir, l’oeuvre d’Anne Houel traduit l’histoire d’une ville. Cachée derrière la vitrine durant plusieurs heures, elle dessine et frotte la matière pour faire réapparaître le contour du Foyer Saint Ilpide de Mende. La mémoire refait surface devant les passants à travers cet ancien bain municipal entièrement détruit en 2013. Cette vision est-elle une illusion, un fantôme ou un rêve ?
 

Quel est ton parcours ?

J’ai étudié à l’école des Beaux-arts de Caen où j’ai validé mon diplôme en 2011. Le déclic de mon travail sur l’architecture s’est réalisé durant le second cycle de mon parcours. D’ailleurs, j’ai longtemps hésité à faire des études d’architecte. Finalement, avec un champ plastique je m’approprie l’histoire de l’architecture en recréant des édifices par la sculpture où j’exploite les notions de forces de constructions, l’usage de matériaux lourds, etc.

 

Comment est composée cette œuvre ?

J’utilise la photographie comme support. A l’aide d’images d’archives ou de cartes postales, je fais des recompositions, des mises en scènes du bâtiment. Le résultat est un dessin intitulé « Mise à jour ». C’est aussi une manière de condenser un temps présent et une évolution vers un futur possible. Quand je me promène dans les rues, je ne peux pas trouver ce que j’aimerai voir dans la ville, c’est pour cela que je m’oriente vers le photomontage pour composer mes dessins.

 

Le contexte d’exposition est une vitrine de magasin, comment oriente t’il votre pratique ?

Je m’adapte à la vitrine avec un cadrage plus facile à insérer. Je réalise un choix de construction de l’image par rapport aux proportions de la vitrine. Je travaille par série, je ne fais jamais un seul dessin. Ici, c’est la dix-huitième "Mise à jour". L’architecture c’est une répétition…

 

Vous utilisez le blanc de Meudon pour dessiner sur la surface vitrée, ainsi votre pratique consiste à enlever de la matière pour révéler le tracé. Qu’est-ce que cela implique ?

Le geste est lié à la notion de mémoire. L’éphémère et le pérenne se côtoient avec ce travail en creux, avec la trace... Toute chose à une existence puis disparaît, qu’est-ce qu’on construit ? Qu’est-ce qu’on démoli ? Qu’est-ce qu’on efface ?

 

Des questions qui s’appliquent à la ville ?

C’est propre à un territoire, ici à Mende l’architecture est plutôt de la réhabilitation de l’ancien plus que de la déconstruction. Le cœur historique est très présent. Pour moi, le travail de mise à jour est un prétexte pour comprendre la ville. Comment s’est-elle construit dans le temps ? Qui vit là ? Quelles sont les habitudes des habitants ? L’architecture est la rencontre de plusieurs temps et personnes. D’ailleurs pour mes projets, j’ai rendez-vous avec différents acteurs de la ville, des maçons, des architectes, des urbanistes, des documentalistes, etc. L’artiste est au cœur de l’étoile pour comprendre ce maillage de la ville et porter un autre regard.

 

Dans vos œuvres, l’existant se déplace vers un état de ruines ou de chantier...

Avec le désert de sable que je dessine autour du bâtiment, il y a une sorte d’apparition ou de disparition. On ne sait pas dans quel sens se joue le mouvement... L’architecture c’est une traduction. J’utilise des fragments d’architecture qui se renouvèle par rapport au contexte, c’est un peu un jeu, je pourrais dire que c’est toujours un « inépuisement » !

 

Pour la Mostra de Mende, vous avez choisis de représenter le Foyer Saint Ilpide, pourquoi ?

Dans le cadre de ma série « Mise à jour », je m’intéresse à l’architecture qui n’a pas encore disparue, qui est reconstruite ou renaissante. Au départ, j’ai voulu dessiner la préfecture de Mende qui dans son histoire a partiellement disparu suite à un incendie, mais ce vécu n’était pas assez identifiable pour la population. Je me réapproprie la mémoire collective des habitants pour apporter un nouveau sens. J’ai donc choisi ces anciens bains de la ville avec ce bâtiment des années 1930, il a un passé historique intéressant. Par la suite, il est devenu un foyer accueillant presque toutes les associations de la ville. C’est un bel écho dans l’imaginaire local.

Il y a un rapport entre le rythme et les histoires successives d’une ville, ce travail m’évoque un palimpseste…

C’est vrai, c’est un mot qui revient pour parler de mon travail. Je m’intéresse beaucoup aux villes et leurs parcours. Par exemple, Beyrouth est une ville qui se reconstruit sur ses ruines. Caen est bâtie sur des marécages et sa construction est marquée par les bombardements.

Le second projet que je présente ici « Panorama  Mondial » est aussi un palimpseste. Il s’agit de livres que je troue pour atteindre une image à l’intérieur des pages. Ce sont des strates, des couches qui forment un paysage, un nouveau monument.

Site de l’artiste : www.annehouel.com

 

5ème Mostra de Mende, 02 - 24 avril, Mende

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